Le village perdu, C. Sten

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Le village perdu, de Camilla Sten (SW), Le Seuil, 2020

Synopsis :

Comment tout un village peut disparaître sans laisser de traces ?
1959. Silvertjärn. La population de cette petite cité minière s’est mystérieusement évaporée. A l’époque on a seulement retrouvé le corps d’une femme lapidé et un nourrisson.

De nos jours, le mystère reste entier.

Alice Lindstedt, une documentariste dont la grand-mère est originaire du village, part avec une équipe explorer la cité fantomatique, en quête des secrets de cette tragédie.
Mais la piste de l’ancien pasteur du temple déterrera la mémoire d’un sombre passé…
Un passé qui hante encore le présent et semble avoir réveillé les ombres du village perdu.

Camilla Sten, née en 1992, est la fille de la célèbre autrice de polars Viveca Sten. Ensemble, elles ont écrit la trilogie L’île des disparus, acclamée par la critique. Le village perdu, vendu dans 17 pays, est son premier roman adulte, également en cours d’adaptation au cinéma.

 » Ce livre m’a donné des frissons de la première à la dernière page.  » Camilla Grebe, autrice de L’Archipel des larmes.

Avis : 4.8/5

Personnages : 5/5
Décors : 4/5
Trame : 5/5
Emotion : 5/5
Globale : 5/5

Pour commencer, un grand merci aux Éditions du Seuil et toute l’équipe de Babelio qui m’ont fait l’honneur de découvrir en avant-première ce roman de Camilla Sten via une Masse critique privilégiée. J’avais moyennement aimé l’écriture de sa mère, Viveca, et j’espère donc que sa fille l’aura supplantée. On dit souvent que l’élève dépasse le maître…

Les divers personnages sont séparés en deux groupes : le groupe « de nos jours » et le groupe « 1959 ».
« De nos jours » compte cinq personnages. Alice ; Tone ; Emmy ; Robert ; Max. Alice, personnage central, souhaite réaliser un documentaire sur le passé de Silvertjärn. Sa grand-mère lui a souvent parlé de ce lieu car elle y avait vécu jeune et n’a plus eu de nouvelles du reste de sa famille depuis un fameux jour de 1959. La jeune femme manque de personnalité, de caractère et semble souvent perdue dans ses réflexions. Il faut avouer qu’elle ne s’est peut-être pas entourée des plus fins limiers. Elle forme un tandem avec Tone, qui cache trop de choses pour demeurer innocent. Celle qui donne le plus de fil à retordre, c’est Emmy. Véritable leader dans l’âme, la plus qualifiée de l’équipe, elle fut dans un récent passé la meilleure amie d’Alice. Cependant, un différend a créé un abîme entre elles et c’est en chiens de faïence qu’elles se scrutent. Emmy a rejoint le projet avec Robert, un caméraman confirmé avec qui elle est très proche. Le dernier élément, Max, a réussi dans les affaires et finance en partie le projet. On notera qu’il n’est sûrement pas venu jusque dans le Norrland pour la beauté du paysage.
Il y a assez peu de personnages complets et importants dans la partie liée au passé de Silvertjärn, mais davantage de secondaires. Pour les principaux, on notera la fabuleuse et battante Elsa, dont on suit le plus grand rôle. C’est l’arrière-grand-mère d’Alice, notons au passage. Elle est dévouée, forte, entraînante, appréciée et j’en passe. Son mari, Staffan, apparaît peu et rarement en positif. Ils ont deux filles : Margaretha et Aina. La première n’est que citée, j’y reviendrai par après. Pour Aina, c’est tout le contraire. Celle dont son prénom signifie « beauté » en hébreu est omniprésente. Ravissante, envoûtante, déterminée, elle chamboule tout page après page. Sa rencontre avec le nouveau pasteur, Mattias, va la transformer à jamais. Ce dernier, d’entrée, vous reniflez qu’il sent les emmerdes. Un manipulateur, beau parleur au charisme débordant qui pourrait vendre une assurance-vie en béton à quelqu’un dans le coma. Il vous horripile dès que sa présence se fait sentir. Enfin, dernier personnage et non des moindres, Brigitta dite « la simplette ». Une jeune femme souffrant d’autisme sur qui Elsa a promis de veiller et qui l’une des deux habitantes de la cité retrouvées. Je vous épargne l’état dans lequel la police de l’époque a retrouvé Brigitta…

L’histoire se déroule entièrement dans le Norrland de la Suède, à Silvertjärn, petite cité minière loin de tout, isolée, et peinant à atteindre les 1’000 habitants. Tous les décors sont très détaillés et j’utiliserais même le quantitatif « trop ». Le livre va d’ailleurs être porté sur grand écran et aucun autre script que celui-ci sera nécessaire. Si vous aimez les fins détails pouvant vous propulser entre les lignes les yeux fermés, Camilla Sten y excelle et devrait vous enchanté. Par contre, si vous appréciez davantage les dialogues, l’action au-delà de l’inertie des descriptions, Le village perdu vous paraîtra peut-être un peu long par moment.

Ce thriller obéit aux codes du genre : intensité, rythme, effroi, souffle coupé, etc.
Il est rédigé en trois styles et la variation reste intéressante et ne gêne jamais la lecture – au contraire, c’est même complémentaire. Le principal, de nos jours, est narré la première personne par Alice. Lorsque les événements se déroulent en 1959, on a droit à une écriture à la troisième personne. Pour terminer, certains chapitres sont consacrés à la correspondance des filles d’Elsa ; les lettres d’Aina à Margaretha.
Le synopsis définit largement les contours de la trame. Une équipe de cinq personnes se rend à Silvertjärn afin d’effectuer des repérages pour tourner un futur documentaire. A la clé, peut-être la découverte de la cause ayant entraîné la disparition de la quasi-totalité de ses habitants. Tout se met rapidement en place, mais l’enfer ne tarde pas à pointer le bout de son nez. On sent déjà des tensions au sein des explorateurs, du fait de leur passé, de leurs personnalités et des choses louches qui se passent petit à petit. Le protagoniste qui met le feu aux poudres débarque à peine que déjà, vous parviendrez aisément (trop, peut-être ?) à le mettre à nu et à saisir la finalité du récit. Pourtant, les dérives glissent lentement mais sûrement, c’est subtil, un crescendo aussi fatal que lisse. L’histoire tient totalement la route et le fil rouge ne se rompt qu’à la dernière page et à son dernier mot. Alors, on pose Le village perdu et on s’exclame : « Wow ! Mon Dieu, quel horreur ! ».

Voyez déjà la couverture du roman : ces couleurs froides, ce brouillard poisseux, l’aspect général glauque. Hé bien voilà, l’ambiance sombre, morbide, suffocante, effrayante, limite fantomatique et terne est celle qui vous accompagnera dans ce périple de plus de 400 pages. N’ayez aucune crainte, vous allez ressentir une rage qui vous chope aux tripes, un déni devant tant de crédulité stupide. Pour les moins téméraires, vous aurez l’occasion de ressentir des sueurs froides, des frissons dans la colonne vertébrale et une certaine peur de l’inconnu face à certaines situations. Oh, ce roman ne manque vraiment pas de soulever l’estomac. Si vous aimez les émotions vives, tranchantes comme des lames acérées du jour, allez-y, Le village perdu ne risque pas de vous décevoir.

Très bonne découverte et de bons moments de lecture avec Le village perdu. N’ayant aucune connaissance au préalable sur Camilla Sten, c’est maintenant chose faite et sans aucun regret. Un pur thriller à conseiller, addictif et très bien ficelé.