Opération étoile jaune, M. Rajsfus
Opération étoile jaune, de Maurice Rajsfus (FR), Editions du Détour, 2022
Synopsis :
En application de la huitième ordonnance nazie du 29 mai 1942, le port de l’étoile jaune est obligatoire pour les Juifs dès l’âge de six ans, dans la zone occupée, à compter du 7 juin 1942.
S’appuyant sur les archives de la préfecture de police et des renseignements généraux, Maurice Rajsfus montre à quel point la police française est partie prenante de la stigmatisation et de l’oppression des Juifs de France. Elle va en effet faire montre d’un zèle sans faille. De nombreux Juifs sont arrêtés, internés et déportés sous les prétextes les plus fallacieux: étoiles mal cousues ou peu visibles, mais aussi pour « comportement arrogant ».
Maurice Rajsfus dénonce le volontarisme de la police française durant l’Occupation qui, sous couvert de faire respecter la loi, laisse certains individus imposer par la force leur conception de l’« ordre». Le 16 juillet 1942, Maurice Rajsfus a quatorze ans. Il est arrêté par la police française, avec sa sœur et ses parents lors de la rafle du Vél’ d’Hiv. Si les deux enfants sont finalement libérés, ils ne reverront jamais leurs parents. Dès lors, Maurice Rajsfus n’a de cesse d’interroger la période et ses acteurs.
Avis : 3.5/5
Je tiens avant tout à remercier Mathilda des Editions du Détour pour l’envoi de ce livre et l’opération Masse critique de Babelio pour avoir à nouveau tiré mon ticket gagnant !
N’ayant jamais eu l’occasion de tomber sur une lecture de Maurice Rajsfus, c’est avant tout de par sa couverture que ce livre a attiré mon oeil. Immédiatement, on sait de quoi il va en retourner, on connaît la portée d’un tel emblême et on devine aisément que traverser ces pages n’aura rien d’une promenade de santé. Malheureusement, je confirme, sous la plume acérée d’un auteur que l’Histoire a frappé, l’horreur se déroule…
Au fil de l’Opération étoile jaune, on retrouve les tranches suivantes :
- Honneur et discipline
- Au services des lois scélérates
- Les étapes de l’humiliation
- Vers l’étoile jaune
- La traque
- Les demandes de dérogation
- Les non-Juifs porteurs d’insignes
- Une presse aux ordres
- Vers la Libération
- La ligne rouge
Des médias complaisants
Il m’a fallu un long moment pour choisir le passage que je désirais pointer du doigt. Dans un premier temps, je pensais à la partie “Les non-Juifs porteurs d’insignes”, quelques pages de manifestations diverses, de solidarité et d’humanité. Puis, naturellement, aimant le journalisme et l’auteur étant issu de ce milieu, j’ai préféré me diriger vers “Une presse aux ordres”.
Si la presse représente le quatrième pouvoir, j’ai découvert que durant l’occupation, elle n’a pas su jouer son rôle. Ou alors, elle ne relatait que des faits avérés, ce qui me donnerait encore plus de frissons ! Qu’un ou deux pigistes issus d’un groupuscule d’extrême-droite puisse pondre des textes comme relatés et documentés par Maurice Rajsfus, on pourrait éventuellement ne pas s’en offusquer. Par contre, la généralisation et la banalisation de l’antisémitisme du tout Paris, je ne m’y attendais pas. L’auteur débusque dans cette partie des textes d’une violence et d’une insolence assourdissantes. On se félicite de la mise à l’écart de ceux qui ont voulu cette guerre, de ceux qui pillent le pays de ses richesses en appauvrissant les Français. Chaque presse joue à celle qui pondra le meilleur torchon et, honnêtement, on s’en donne à coeur joie en terme de médiocrité.
Ce qui ressort le plus, c’est la surprise des autochtones lors du jour J du 8ème ordonnance : “Jamais nous n’aurions pu deviner qu’il y avait autant de Juifs à Paris !”, “A présent, ils ne peuvent plus se cacher et on voit leur vrai visage”, “L’idée de l’étoile jaune, comment n’est-elle pas venue de la France ? Pourquoi avoir attendu les Allemands ?”. La presse ne se soulève jamais dans l’autre sens, un monologue cruel, sadique et sans égal.
Un travail de journaliste méticuleux
Même si j’ai fortement apprécié ce livre, la syntaxe particulière m’a souvent écarté de ma lecture. Les quelques redondances dénombrées dans “La traque” ne m’ont pas paru indispensables non plus.
Au-delà de ces détails, il faut avouer que le travail abattu par Maurice Rajsfus mérite amplement un avis favorable. Les citations sont précisées, les sources citées, les faits rapportés avec autant de précision que possible ; un vrai travail de journaliste.
Dans L’opération étoile jaune, l’auteur revient également sur des points qu’il me semble essentiel de narrer : les divers marquages de populations à travers l’Histoire ainsi que les étapes vers l’humiliation ou la déshumanisation d’une frange de la population. Retenons au moins ceci pour que ça ne se reproduise plus jamais.
Jamais.