Sigló, R. Jónasson

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Sigló, de Ragnar Jónasson (IS), Editions de la Martinière, 2020

Synopsis :

Trois jours avant Pâques. Siglufjördur, le village le plus septentrional de l’Islande, repose paisiblement entre les hautes montagnes qui l’entourent. La mer est sereine. La tempête de neige qui couve n’a pas encore frappé ses côtes.
Mais un appel d’urgence réveille l’inspecteur Ari Thór au beau milieu de la nuit. Le cadavre d’une jeune fille de 19 ans vient d’être trouvé, gisant dans la rue principale. Une chute imbécile depuis son balcon ? C’est le plus probable.
Le lendemain, Ari Thór est appelé à la maison de retraite de la petite ville. Un des pensionnaires, qui lutte contre une maladie dégénérative violente, ne cesse d’écrire la même phrase sur les murs depuis qu’il a appris l’accident : Elle a été assassinée.
Le vieil homme a-t-il eu vent de quelque chose ? Ou le souvenir d’une tragédie plus ancienne remonte-il de sa mémoire fissurée ?

La tempête touche Siglufjördur plus rapidement que prévu. Il n’y a bientôt plus ni électricité ni chauffage dans le petit port de pêche. C’est alors que la maison de la victime, comme un ultime signal, est cambriolée. Ari Thór s’évertue désespérément à rassembler les pièces du puzzle, tandis qu’une vérité innommable émerge peu à peu du blizzard.

Avis : 4.8/5

Personnages : 5/5
Décors : 4/5
Trame : 5/5
Emotion : 5/5
Globale : 5/5

Quel plaisir de retrouver notre ami Ragnar Jónasson avec une nouvelle aventure de son héros Ari Thór ! L’auteur nous fait également l’honneur de découvrir son 6ème opus en avant-première mondiale ! Hé oui, Ragnar se met au français… donc qui se lance pour faire de même avec l’islandais ? Allons décortiquer davantage ce roman de 230 pages.

Pour ceux qui ont suivi les aventures précédentes, vous savez qu’Ari est passé inspecteur suite à la mutation de son chef Tómas. Ari n’aura cesse de regretter son départ et la nostalgie va aller jusqu’à appeler ce dernier, comme s’ils étaient au bon vieux temps. Du coup, Ögmundur, son nouveau subalterne fraîchement sorti de l’école de police, fait son apparition. Bien qu’Ari ne soit pas d’astreinte, il devra reprendre du service pour dénouer ce drame, quite à laisser sur la touche son collègue autant dépassé que limité. D’ailleurs, on voit assez peu Ögmundur, ce joyeux luron proche des autochtones cantonné aux petites tâches.
Côté personnel, pour Ari, c’est très complexe. En effet, son ex et son fils sont venus le voir pour Pâques et il jongle difficilement entre travail et vie familiale ; comme d’habitude. Il remet également en question son statut avec Kristín mais parvient cependant à s’amouracher de leur fils Stefnir qui lui manque cruellement. Au même moment, un autre personnage important de Snjór réapparaît au plus mauvais moment et joue avec le coeur du pauvre inspecteur.
Le drame, à présent. Une jeune fille de dix-neuf ans, parfaitement studieuse, est retrouvée morte, en pleine nuit, au milieu de la route principal. Tout indique qu’Unnur – c’est son prénom – a sauté d’un balcon. Selon les dires de sa mère Salvör, ceci est impossible tant sa progéniture est exemplaire, travailleuse et heureuse. L’arrivée du père, Svavar, va chambouler l’inspecteur tant ce dernier en impose. Et quel est le rôle joué par Gudjón, le veil artiste qui a trouvé le cadavre tandis qu’il déambulait à pareille heure ? Et pourquoi le couple habitant l’immeuble a-t-il ouvert à Unnur ? Ont-ils quelque chose à se reprocher ? Car Jóhann et Jónina paraissent bien mal à l’aise. L’autre locataire, Bjarki, un historien quarantenaire, était absent ce jour-là. Aurait-il un lien avec la victime ? Et si quelqu’un avait poussé Unnur ? Lorsqu’une camarade de classe d’Unnur viendra voir Ari, l’enquête va prendre un sérieux tournant.
En parallèle de cette « accident », un vieillard en maison de repos ne cesse de clamer : « Elle a été assassinée ». Difficile de prendre au sérieux le vieil Hávardur car il est atteint de démence. Il est suivi par Hesir, un médecin qui n’apprécie guère qu’on fasse une mauvaise publicité pour sa clinique qui lui a coûté toute sa fortune. Rosá, la femme du médecin, se méfie également alors qu’Ari s’intéresse de trop près de Hávardur.
On était habitué à suivre beaucoup de personnages bien définis par Ragnar Jónasson et il ne nous déçoit pas avec Sigló. Cette aspect m’a fortement rappelé Snjór au détriment des autres. Un grand travail réalisé encore ici, indéniablement le point fort de l’auteur.

Si on connaît Siglufjördur, on ne sera pas dépaysé avec ce roman. Il y a plus de touristes, l’économie se développe et les aléas météorologiques demeurent omniprésents. J’ai été un peu déçu par la tempête que j’attendais bien plus rapidement. En dehors de ça, les lieux paraissent toujours autant idylliques. Par contre, si vous découvrez cette petite ville avec Sigló, cela pourrait vous sembler un peu maigre au niveau de la qualité des descriptions.

Il me semble qu’en parlant des personnages, j’en ai assez dit sur la trame. J’ajouterais que Jónasson nous laisse bien réfléchir à l’enquête, nous dévoilant que le nécessaire, semant des interrogations, des mystères au fil des pages. C’est subtilement réalisé, on évolue aux côtés d’Ari et de ses pensées. Si vous aimez Agatha Christie, il vous paraîtra probable qu’elle se soit réincarnée en écrivain islandais. Les similitudes sont frappantes et honnêtement, c’est un pur plaisir.

On est touché par Ari, dans ce roman, par rapport à son fils ; et aussi ses amours. L’enquête a un relent lugubre, l’ambiance est sombre, sauvage, vraiment très froide. Aucune peur dans Sigló, du suspense, une rapidité d’exécution ne laissant place qu’à l’essentiel, un texte épuré dont chaque chapitre court se déguste avec pur régal. Laissez la curiosité opérer, vous ne serez pas déçu.

Sigló frôle la perfection, j’ai adoré retrouvé Ari, et Ragnar Jónasson continue à me plaire dans ce style propre à lui-même. Je pourrais m’en lasser, car j’ai lu ses 8 romans cette année, quasiment à la chaîne, et pourtant non, j’adhère à son écriture. Bravo à lui et vivement le suivant !