[V]ivre, S. Laroche

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[V]ivre, de Sophie Laroche (FR), Editions Mortagne, 2013

Synopsis :

Depuis cette fameuse soirée chez John, Félix en parle sans arrêt à Nathan, son meilleur ami. Il ne cesse d’évoquer cette fête où ils ont bu plus que de raison. Normal, ils sont en âge de s’amuser ! Et bien sûr qu’ils étaient en état de conduire pour rentrer !

Il parle de l’accident, et des jours qui ont suivi : leur copain Zach, toujours dans le coma, Noah, si différent depuis. Il raconte le regard des autres, la difficulté de revenir à une vie normale, après « ça ».

Mais Nathan ne répond pas.

Nathan est mort.

Mort dans ce virage…

Une fraction de seconde où quatre vies ont basculé à jamais. À cause de l’alcool au volant. Pour quelques verres en trop, Félix a mis le V du verbe Vivre entre parenthèses. Ivre, il a cessé de Vivre. Il va pourtant bien falloir continuer. Survivre à l’absence de l’un, espérer la guérison de l’autre. Se supporter les uns les autres. Se supporter soi-même. Si c’est encore possible…

Avis : 4.4/5

Personnages : 5/5
Décors : 4/5
Trame : 4/5
Emotion : 5/5
Globale : 4/5

Pour commencer, je tiens à remercier le site Babelio et sa Masse critique pour m’avoir offert la possibilité de découvrir ce roman. Sachant que ce livre est sorti voilà sept ans sans que j’en sois aperçu, il aurait été dommage de ne pas l’avoir eu un jour entre mes mains. Alors, ce cadeau en était-il un ? A coup sûr !

Les personnages principaux se dessinent rapidement : Félix, le narrateur et survivant de l’accident qui parle à Nathan ; Noah, un autre survivant ; Zach, dans le coma. Félix prend la place principale, c’est sans doute lui qui souffre le plus et ce, dès le début. Il parle (dans sa tête) à son meilleur ami décédé, il piétine dans son deuil et tâche de trouver une voie de rédemption. Sans trop en dévoiler, il a de quoi se morfondre, s’en vouloir et ne devenir que spectateur d’une vie dont il ne peut plus profiter. L’autre survivant, Noah, a choisi un autre chemin pour tenter d’oublier l’accident : la destruction par l’alcool. Comme lui-même le dit si bien, la mort a loupé sa première chance, il la laisse retenter le coup. Le dernier rescapé n’arrive qu’en milieu de roman, il est très touchant, combatif et c’est celui qui garde le plus les pieds sur terre. A travers eux, l’auteure nous invite à suivre leur deuil, leur relation avec l’alcool et surtout leur sens de l’amitié.
Des personnages secondaires sont également intéressants : la mère de Nathan, qui souffre à eu mourir, la copine de Nathan, Lily-Rose, qui garde la tête hors de l’eau comme elle le peut, la copine de Félix, qui l’épaule au mieux, les parents de Félix, aimants et inquiets.
On s’aperçoit très vite que Sophie Laroche a bien préparé le terrain de ses intervenants.

Les décors demeurent sommaires, très succincts et n’affectent en rien le récit. Ils sont présents, sans fioriture mais là ne réside pas l’essentiel du roman.

Le quatrième de couverture nous dévoile une bonne partie de l’intrigue, notre imagination fait rapidement un pas supplémentaire et l’auteure finit de nous donner les dernières pièces. Le récit est assez simple en lui-même. Une soirée beaucoup trop arrosée, des amis plus cuits les uns que les autres, ils prennent quand même la voiture, accident. Commence alors un périple atroce, une lutte intérieure, le tiraillement de l’amitié après une telle tragédie, et le poids des responsabilités que certains portent, que d’autres fuient, quand les dernières n’en ont même pas conscience. Sophie Laroche aurait pu écrire un pamphlet sur les ravages de l’alcool chez les jeunes, sur cette désinhibition qui pousse parfois à commettre l’irréparable, changeant des vies à jamais, mais elle ne l’a pas fait. Elle s’est plutôt placée en spectatrice et a laissé plusieurs voix émettre leurs idées. La déflagration de cet accident va surtout peser sur l’amitié des protagonistes. J’ai particulièrement apprécié son évolution à travers les divers chemins de croix.

[V]ivre nous renvoie souvent à un moment de nos existences, car qui n’a jamais abusé de l’alcool et dérapé dans sa jeunesse ? Ainsi, une introspection est automatique, on ose ainsi porter un regard sur des moments de notre passé qu’on avait refoulés. On n’aimerait pas être à la place de Félix, mais on ressent beaucoup d’empathie à son encontre. Et de la colère. Et de l’incompréhension. On aimerait secouer Noah, parfois même le gifler, le remettre sur le droit chemin. Là où le roman m’a le plus touché, c’est essentiellement dans la relation perdue entre Félix et Nathan, son meilleur ami disparu. Etant donné qu’il lui parle beaucoup, et avec une froide réalité, le récit a trouvé un écho particulier en moi étant donné que mon fils s’appelle Nathan. Par moment, j’ai ressenti une secousse personnelle, avec des visages sur des prénoms, des scénarios que j’aimerais n’avoir jamais à vivre.

Aucun regret donc d’avoir choisi [V]ivre dans cette Masse critique. Il s’agit d’un livre qui devrait parler à plus d’une personne, qu’on aurait aussi à conseiller à un public averti et qui pourrait être d’autres à s’en sortir. Sophie Laroche a réussi ici un bel exercice, non-moralisateur, et ouvert sur des sujets aussi variés que fondamentaux.