Te tenir la main pendant que tout brûle, J. Gustawsson
Te tenir la main pendant que tout brûle, de Johana Gustawsson (FR), Calmann-Lévy, 2021
Synopsis :
Si vous n’avez pas la force brute et que personne ne vous entend, il vous reste d’autres voies…
Lac-Clarence, Québec, 2002. Maxine Grant, inspectrice et mère célibataire dépassée, est appelée sur une scène de crime affreuse.
L’ancienne institutrice du village, appréciée de tous, a massacré son mari, le lardant de coups de couteau.
Paris, 1899. Lucienne Lelanger refuse d’admettre la mort de ses filles dans un incendie. Elle intègre une société secrète dans l’espoir que le spiritisme et la magie noire l’aideront à les retrouver.
Lac-Clarence, 1949. La jeune Lina vit une adolescence mouvementée. Pour la canaliser après l’école, sa mère lui impose de la rejoindre à la Mad House, la maison de repos où elle travaille.
Lina y rencontre une étrange patiente, qui lui procure des conseils pour le moins dangereux…
Avis : 5/5
Personnages : 5/5
Décors : 5/5
Trame : 5/5
Emotion : 5/5
Globale : 5/5
Nouvelle lecture très attendue d’une de mes auteures préférées, Johana Gustawsson, qui m’a toujours ébloui depuis son tout premier roman, Block 46. A force de performer, je me demandais si elle allait s’essouffler avec Te tenir la main pendant que tout brûle. Que nenni !
Ce thriller se développe à travers trois trames, chacune ayant son lieu et son année.
Paris, 1899, où l’on suit la vie mouvementée d’une Québécoise d’origine et de son mariage arrangé. Car Lucienne a perdu ses deux filles, et elle ne croit pas à leur décès. Aidée par une amie de la grande bourgeoisie, elle bascule dans les sciences occultes pour obtenir des réponses à ses questions. Se faisant, elle y croise des gens connus ayant réellement existé. Au détour de son drame nous attend des situations très dérangeantes.
Lac-Clarence, 1949, avec Lina, adolescente et bouc-émissaire de quelques élèves. A force de subir du harcèlement scolaire, elle prend le taureau par les cornes et se venge. Afin d’éviter de nouveaux problèmes, sa mère l’oblige à la rejoindre à son travail après les cours. Et c’est à la Mad House que Lina va tisser des liens de plus en plus étroits et malsains avec une patiente pas comme les autres. Dès lors, l’adolescente ne cesse de grandir, de s’épanouir en trouvant une force là où elle ne pouvait se l’imaginer auparavant. Ce qu’elle ne sait pas encore, c’est que tout a un prix, y compris Satan.
Lac-Clarence, 2002, est la partie la plus longue et aussi celle qui répond aux codes du thriller. On y suit Maxine et Jules, de la police, et Gina, redoutable psychologue, qui tentent de faire parler la mutique Mme Pauline Caron, coupable de meurtre sur son mari avec plusieurs dizaines de coups de couteau. Qu’est-ce qui a conduit cette retraitée, bonne sous toutes coutures, à tuer son respectable mari ? Pourquoi un tel acharnement ? Peu à peu, des indices jaillissent, jetant encore davantage d’interrogations parmi les enquêteurs. L’intensité ne baisse pas, jamais, et le dénouement possède tous les artifices pour scotcher le lecteur.
Un brin de sorcellerie
On le rapidement arriver, et comme déjà annoncé dans le synopsis, un thème abordé est la sorcellerie. Plusieurs interlocuteurs échangent sur l’histoire de ce phénomène (avec Goya, Rembrandt ou Mesmer), parfois à l’aide d’exemples concrets, ou alors à travers des personnages réels (Sir Arthur Conan Doyle, Catherine De Médicis). Johana Gustawsson, avec la voix d’une personne, égratigne sinon éclabousse l’Eglise en passant, n’hésitant pas à préciser le semblant de place qu’elle laisse aux femmes. Avec finesse, l’auteure nous introduit dans ce monde si particulier aux pouvoirs parfois glaçants mais très intéressants.
Oubliez ici l’idée préconçue de la vieille sorcière au menton poilu, naviguant dans les airs sur un balai. Imaginez plutôt des gens en détresse, débordés par les émotions, ayant perdu le fil de leur existence. A présent, laissez-leur entendre qu’une force peut les aider à s’en sortir, qu’il n’y a rien de compliqué à cela, ni de dangereux. Et si un résultat probant apparaît, il n’y a désormais plus aucune raison de pas y croire. Il reste à le répéter et surtout, surtout, transmettre ces précieuses informations à des connaissances dans le besoin.
Un triptyque rocambolesque
Sans hésiter, Te tenir la main pendant que tout brûle tombe dans le panier des coups de coeur. Avec Johana Gustawsson, cela devient une habitude. Ce roman ne connaît pas de temps mort, c’est limpide, il y a du style, des retournements qu’on ne sent pas venir et des mystères planant sans cesse au-dessus des pages. L’aspect qui devrait vous plaire réside dans le chassé-croisé entre les trois époques avec Lucienne, Lina et Maxine. L’auteure a amené ce triptyque à s’empiler lentement mais sûrement, rendant encore plus addictif la lecture.
Toute personne aimant le thriller sans nécessairement de grosses scènes de boucherie trouvera ici une parfaite alchimie dont Johana Gustawsson détient précieusement la recette.
Vivement son prochain roman ! Merci à elle pour cette qualité d’écriture !