Les sept jours du Talion, P. Senécal
Les sept jours du Talion, de Patrick Senécal (CAN), Editions Alire, 2003
Synopsis :
Il s’appelle Bruno Hamel, il a trente-huit ans et il est chirurgien. Avec sa petite famille – Sylvie, sa conjointe, et Jasmine, sa fille de sept ans -, il habite Drummondville et, comme tous les gens heureux, il n’a pas vraiment d’histoire. Jusqu’à ce que Jasmine, par un bel après-midi d’automne, soit violée et assassinée. Dès lors, l’univers de la famille Hamel bascule.
Mais lorsque la police arrête le meurtrier, un terrible projet germe dans l’esprit enténébré de Bruno : il va s’emparer du monstre et lui faire payer ce qu’il a fait à sa petite fille.
Le jour de la comparution du meurtrier, Hamel, qui a minutieusement préparé son coup, kidnappe le monstre, puis transmet aux autorités policières un message laconique : celui qui a violé et tué sa petite tille va souffrir pendant sept jours, après quoi il sera exécuté. Ensuite seulement, lui-même se rendra.
Les Sept Jours du talion : un suspense d’une rare intensité dont personne – et surtout pas le lecteur ! – ne sort indemne.
Avis : 5/5
Personnages : 5/5
Décors : 5/5
Trame : 5/5
Emotion : 5/5
Globale : 5/5
Il s’agit avec ce roman de ma troisième lecture de Patrick Senécal, un auteur qui ne cesse de repousser les limites de l’écriture sur la noirceur humaine. Parmi tous les livres que j’ai eu l’occasion de lire, ceux-ci sont toujours moralement très compliqués à mâcher, digérer, et y pénétrer signifie obligatoirement qu’on n’en ressortira pas indemne. Cette phrase pourrait aisément être un coup de communication de l’éditeur, mais non ; c’est un avis personnel.
Pas beaucoup de personnages à travers ces 320 pages, ce qui apporte de l’eau au moulin de Senécal. Ainsi, il a pu décrire à merveille leurs pensées, leur psychologie et leur fonctionnement. Comme à son habitude, il oppose plusieurs philosophies et propose des thèses qui partent dans tous les courants, sans discrimination.
Même si les décors semblent assez basiques, le texte ne s’en trouve pas appauvri.
Le fil rouge et l’aspect émotionnel doivent bien être pris ensemble. On sait dès le départ le contexte : un type viole une fillette, se fait kidnapper par le père qui désire le torturer sept jours avant de le tuer puis de se rendre à la police. Malgré cette connaissance, l’anxiété monte crescendo. On se sent étouffé par ce huis clos, rempli par nos contradictions. Et c’est ici que le génie de Senécal opère : il met notre humanité et notre morale à rude épreuve. Le fait d’être père peut fait pencher la balance, surtout si l’on a une fille, qu’on se met à la place du personnage principal. Irais-je jusqu’ici ? Quelles seraient mes limites ? Certaines lignes font mal aux tripes, d’autres dégoûtent même. Puis on pose le livre, on fume une cigarette en se créant ce scénario et on se rend compte que dans des cas précis, on peut avoir la même psychologie qu’un monstre. Surtout s’il s’agit de se venger d’un monstre encore pire.
Avec Les sept jours du Talion, Patrick Senécal frôle à nouveau le supportable. Oeil pour oeil, dent pour dent. Il faudra bien plus que deux millénaires pour rendre une étude indiscutable sur le thème de la vengance (im-)moralement pardonnable et acceptable. Des romans comme celui-ci, j’en redemande. A préciser que ce genre de roman se lit avec modération pour oser s’affronter dans la glace.