unjourdeseptembre agratz

Un jour de septembre, A. Gratz

Un jour de septembre

Un jour de septembre, de Alan Gratz (USA), Editions Milan, 2021

 

Synopsis :

New York, 11 septembre 2001 : Brandon, 12 ans, accompagne son père au World Trade Center.

Presque vingt ans plus tard en Afghanistan : Reshmina, 11 ans, croise un soldat américain blessé.

Deux destins palpitants pour réfléchir à la survie et à l’engagement.

 

Avis : 5/5

Personnages : 5/5
Décors : 5/5
Trame : 5/5
Emotion : 5/5
Globale : 5/5

 

Excellente surprise ! J’adresse d’emblée mes remerciement aux Editions Milan, à Babelio et sa Masse critique pour le gain de ce livre qui, bien qu’il soit destiné à un public 10-14 ans, m’a fortement interpelé.

Dans Un jour de septembre, on suit deux trajectoires en totale opposition ou presque : celle de Brandon, 12 ans, vivant les événements du 11 septembre 2001 à l’intérieur de la tour Nord du World Trade Center, et celle de Reshmina, 11 ans, jeune Afghane évoluant vingt ans plus tard dans un village afghan à proximité d’une zone talibane. Alan Gratz varie d’un chapitre à l’autre, donnant la voix tour à tour à ces ceux enfants face à leur drame.

Pour Brandon, collé par son école ce jour-là, cette journée s’annonce assez sympathique car il accompagne son père à son travail : le restaurant au sommet de la tour Nord. 
La suite, on la connaît par les nombreuses images, vidéos, interviews ou films qui ont fleuri par la suite. Dans le chaos du 11 septembre 2001, nous allons suivre Brandon qui n’apprend pas tout de suite qu’un avion s’est crashé à quelques étages de lui. Si Alan Gratz a inventé ce personnage, il n’en demeure pas moins qu’il s’est inspiré de certains récits pour nous permettre de progresser à ses côtés dans la quête de sa survie.

En 2020, Reshmina vit dans un petit village à flanc de montagne, dans une zone encore perturbée par la guerre liant l’armé américaine à l’armée nationale afghane contre les Talibans. Cette ambiance-là demeure, pour un bon nombre d’occidentaux, inconnue ou alors entrevue avec son faible aspect médiatique. 
Alors qu’une inspection a lieu dans le village, les Talibans tendent une embuscade à la patrouille sur place. Ne reste qu’un soldat, américain, blessé. Reshmina se voit dans l’obligation morale de lui venir en aide, l’emportant dans une succession de rebondissements.

 

Un jour de septembre, ici et là

Tout se déroule un 11 septembre, à vingt ans près. Mais rapidement, on sent les différences fondamentales entre la vie des deux enfants. On peut sauver la face en se disant que c’est cliché, pourtant, les faits demeurent ainsi.
Nous avons Brandon, qui étudie dans une école standard, avec des querelles entre élèves, des figurines de comics, et qui se balade en métro avec son père pour se rendre au travail de ce dernier situé dans une ville gigantesque, au sommet d’une tour de plus de cent étages, avec ses milliers de tonnes de béton et d’acier. L’électricité, l’eau courante, les escalators, les costards, les ascenseurs, les ordinateurs et des avions de ligne. Tout ceci lui paraît comme allant de soi (hormis les avions comme armes), et à nous aussi. C’est le train-train quotidien et nous n’y prenons même plus garde. Jusqu’au moment du premier crash…
Cette date reste toutefois gravée en nous, et les conséquences de ces actes barbares s’en feront ressentir durant encore bien des années.

Reshmina n’a jamais connu autre chose que la guerre car elle est née après 2001. A ses yeux, les Talibans sont des monstres tyranniques et les Américains des assassins. D’ailleurs, sa grande soeur est décédée le jour de son mariage par un tir de drone, pas étonnant que son frère jumeau Pasoon en garde une certaine rancoeur. Reshmina est partiellement scolarisée, elle adore l’anglais, elle apprend avec des manuels datant de l’invasion soviétique et désire enseigner. Elle habite une maison taillée dans la montagne dotée de 3 pièces pour 7 personnes. Aucun meuble, pas d’électricité, de la terre, de la poussière et des lampes à huile. Non loin d’elle, les Talibans se font menaçants et elle se voit déjà porter la burqa, être mariée de force et cloîtrer dans une cuisine avec une ribambelle d’enfants pouvant servir de chair à canon. Ce qui va transformer son quotidien, c’est la visite surprise de soldats, l’attaque des Talibans, la découverte de Taz, le soldat blessé et la radicalisation de son jumeau.

Autant Brandon que Reshmina vivent quelque chose qu’aucun enfant ne devrait subir, et qui va les transformer à jamais.

 

L’Histoire d’un regard neutre

Alan Gratz a su nous épargner une énième thèse pro-américaine, pro-armée, pro-religieuse ou géo-stratégique. Ce qui rend Un jour de septembre si précieux, c’est que son auteur est parvenu à prendre de la hauteur pour dresser un portrait neutre adapté à un jeune public. Son désir était de montrer aux nouvelles générations ce qu’un gosse avait pu vivre le jour des attentats du WTC, et ce qui en avait découlé pour une région perdue en Afghanistan. Petite parenthèse : au moment de l’écriture de ce roman, l’armée américaine n’avait pas encore retiré ses troupes.

Gratz tire un point commun entre ses deux protagonistes : personne au World Trade Center ne comprend qui et pourquoi on les attaque de la sorte, et personne en 2020 en Afghanistan ne sait pourquoi l’armée américaine y est encore. La richesse de ce livre réside dans les dialogues proposés entre Reshmina et Taz. C’est touchant et douloureux, violent, parfois inaudible. La jeune fille ose des questions qui percutent le soldat comme une balle, et qui poussent à la réflexion en variant les points de vue. A titre d’exemple, pensez que Reshmina n’a aucune idée de ce qu’il s’est déroulé le 11 septembre 2001, et que Taz ne parvient pas à justifier sa présence près de dix ans après la mort de Ben Laden… dans un pays voisin, qui plus est. 

Alors évidemment, je ne dresse ici qu’une ébauche de raisons qui devrait vous inviter à découvrir ce récit percutant. Il ne fait pas l’ombre d’un doute qu’Un jour de septembre tombe dans mes coups de coeur.