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Gouverner par les fake news, J. Baud

Gouverner par les fake news, J. Baud

 

Gouverner par les fake news, de Jacques Baud (CH), Max Milo, 2020

Synopsis :

L’auteur, ex-agent du service de renseignement stratégique suisse, passe ainsi en revue les principaux conflits contemporains, que les pays occidentaux ont géré à coups de fake news, ces trente dernières années.

Quels sont les faits qui permettent d’affirmer que l’État islamique cherche à créer une guerre civile en France ; que le président syrien Bachar al-Assad a utilisé des armes chimiques ; que Vladimir Poutine tente de déstabiliser nos démocraties ; que le terrorisme a frappé la France, non pas pour ce qu’elle fait, mais pour ce qu’elle est ; que le génocide au Darfour a fait 400 000 victimes ?… Littéralement aucun, mais ces affirmations suffisent à asseoir la politique étrangère des pays occidentaux.

Avis : 3/5

Avant toute chose, je tiens à remercier Babelio et sa Masse critique pour m’avoir permis de donner mon avis sur ce livre de Jacques Baud. Merci également aux éditions Max Milo. Le titre à lui seul avait retenu mon attention et j’en avais fait ma priorité !

Histoire de préciser les sujets abordés dans ces 400 pages, en voilà un bref aperçu : l’Afghanistan, l’Iran, la Syrie, les attentats en France depuis 2015, l’Ukraine, les récentes cyber-attaques, le Venezuela, la Corée du Nord et la Russie.

Autant le préciser immédiatement, l’auteur ne pratique pas la langue de bois et j’ai découvert parfois une tentative de décrédibilisation envers lui à l’aide d’ad hominem. Ainsi, on l’accuse volontiers de conspirationnisme ou d’intervenir sur des médias peu reluisants liés à l’extrême droite. Concernant d’éventuelles théories du complot qu’il relaterait, étrangement, il en démonte passablement dans son livre. Pour les autres, il liste des faits, interroge, oriente ici et là ou en tire ses propres conclusions, il ne lance pas une bouteille à la mer au hasard, ne sort pas un lapin de son chapeau. Pour l’autre reproche, oui, il intervient tantôt dans des médias pas toujours glorieux. Pourtant, il ne fait sans doute que répondre à des invitations. Etant donné ses nombreuse critiques avérées contre le quatrième pouvoir, il me paraît logique qu’il ne puisse accéder à n’importe quel plateau, surtout s’il a un lien avec un gouvernement occidental. Toujours est-il que Jacques Baud est passé de nombreuses fois au JT de la RTS qui ne ressemble en rien à un bastion de la droite dure helvétique. Son CV renvoie également à un personnage sérieux qui connait mieux son domaine qu’un journaliste lambda.

Bref ! Ce livre est d’une grande complexité. La géopolitique est un monde dans le monde et peu de personnes en tiennent la totalité des tenants et aboutissants. Jacques Baud, malgré son passé professionnel, n’hésite pas à pointer du doigt les défaillances des services de renseignement auxquels il appartenait, ouvrant la porte à bien des conflits internationaux. Il précise aussi leur rôle, à savoir acquérir du renseignement à l’aide d’analyses de faits et de le transmettre plus haut dans la hiérarchie. Et il arrive que le gouvernement balaie certains avis, ignore des alertes et s’entête dans ses propres idées. A nous de juger qui en prend la responsabilité étant donné les drames auxquels cela peut conduire…

Parce que, ce qui ne surprendra personne, les politiques mentent. L’auteur ne cesse de le répéter durant l’ouvrage et il s’appuie sur des études pointues, voire même des aveux clairement identifiables. Ses multiples accusations peuvent sembler loufoques, mais en cherchant un peu, on finit par opiner et lui donner du crédit. L’ancien analyste tranche également quelques idées reçues qu’on nous serine non-stop dans les médias mainstream. Il invite à trier le bon grain de l’ivraie et à ne pas tout prendre pour argent comptant. D’ailleurs, ne serait-il pas bon de préciser qui détient quel média ?

Une grande partie de Gouverner par les fake news s’attarde sur le Moyen-Orient. Trop souvent, on nous présente la problématique sous un angle manichéen, comme si l’on revivait au temps de la guerre froide ! Choisis ton camps, camarade ! Mais voilà, les nuances de gris apparaissent rapidement et Jacques Baud les souligne sans gêne. Les Talibans, l’EI, Ben Laden, Bachar, Poutine, Al-Baghdadi et consorts ne sont pas brûlés sur l’échafaud, même si l’auteur ne les définirait pas comme des personnes recommandables. Il analyse, et ça, ça nous change ! Il prend de la hauteur et observe les faits, les actes prouvables et les décortique. Si vous pensez qu’il imagine les informations, sachez que son livre est alimenté par pas moins de 2’000 références qui ont été checkées. Parmi celles-ci se nichent parfois des rapports classés SECRET qui font froid dans le dos. Ce qui prouve ce que Baud définit comme des guerres asymétriques, ainsi que ces stratégies que nos armes occidentales peinent à élucider.

Néanmoins, j’ose émettre quelques mauvais points. Il réside entre les pages pas mal de répétions, de monotonie. Les sujets sont si passionnants que cet aspect m’a déçu. Autre point noir : certains chapitres croulent sous les coquilles ! Problème de correcteur ? De tirage ? Aucune idée, mais les yeux piquent trop souvent à mon goût.

Ce bouquin m’a donné à réfléchir et j’en ai appris beaucoup de choses sur des aspects stratégiques invisibles jusqu’ici. Les services de renseignements me passionnent depuis longtemps, tout comme la linguistique et me voilà rasséréné après une telle lecture. Pour l’apprécier à sa juste valeur, il vaut mieux être apolitique ou alors savoir imposer une neutralité dans nos idéaux ; sans quoi ce livre vous sera blasphématoire ou biblique.

Dernier avis avant de vous proposer de vous plonger dans ce livre avec assiduité, n’oubliez jamais, Ô grand jamais, ceci : « Ce sont toujours les vainqueurs qui écrivent l’histoire », Camilla Läckberg. Ne voyez pas des théories du complot partout, mais sachez garder un regard critique et avisé sur les vagues d’informations dont on nous inonde.